Et si le Canada tenait des audiences environnementales d’un océan à l’autre et que personne n’y assistait?

Consultation et les accommodements | DDPA | Droit autochtone | Évaluation environnementale | Ressources naturelles et environnement

Le Comité d’experts d’évaluation environnementale, que le gouvernement du Canada a mis sur pied pour examiner de façon indépendante la législation canadienne en matière d’évaluation environnementale, a commencé ses audiences publiques. On a accéléré les audiences afin de se plier au souhait du gouvernement de déposer un projet de loi amendant la législation environnementale fédérale l’année prochaine.  (Voir le guide préparé par OKT au sujet de la procédure du comité).

Les communautés autochtones sonnent l’alarme au sujet de la participation à ce comité d’expert, et aussi au sujet d’enjeux plus larges comme le plan du gouvernement de consulter les Autochtones pour ce qui découlera du rapport du comité.

Nous traiterons ici de deux problèmes procéduraux fondamentaux du processus en place pour ensuite suggérer des solutions pour l’améliorer.

Le Plan de mobilisation des Autochtones comporte plusieurs points positifs, comme le fait que le mandat du comité est de se pencher sur tous les processus fédéraux d’évaluation environnementale (pas seulement l’ACEE, 2012) et que le comité demande comment (et non si) la Déclaration des droits des peuples autochtones sera appliquée aux processus d’examen environnementaux fédéraux. Ces nobles objectifs seront mis en péril si le gouvernement ne s’attaque pas immédiatement aux erreurs de communication et à l’incertitude relative au financement qui menacent toutes deux le processus.

 

Problème procédural #1 Communication en temps inopportun

Le gouvernement a commis plusieurs erreurs de communication à propos des grandes lignes et des détails du processus.

La confusion règne encore chez plusieurs groupes autochtones au sujet de la manière dont le processus va se tenir du début jusqu’à la fin, soit de l’étape du comité d’expert jusqu’après les travaux de celui-ci. Une fois que le gouvernement aura pris connaissance du rapport du comité, les communautés autochtones s’attendent à être consultées au sujet des détails de tout projet de loi. Toutefois, il n’est pas clair à ce stade comment, ou même si, cela se produira.

Le Plan de mobilisation des Autochtones du comité est très prometteur, mais il est menacé par les échéances du gouvernement. De fait, les audiences du comité ont été planifiées en toute hâte. Le manque de communication au sujet du financement a engendré de la confusion et de la frustration chez plusieurs communautés autochtones qui risquent de ne pas participer à l’examen du comité.

Les audiences du comité sont entassées dans une courte période allant de la mi-septembre à la mi-décembre. Le gouvernement a refusé des demandes de prolongation de délais. En plus des courts délais pour se préparer, très peu de confirmations de financement pour la participation ont été communiquées (sujet traité plus loin).

La communication au sujet de la procédure du comité s’est avérée inadéquate et bien trop lente. Il faut prendre connaissance d’une grande quantité d’informations au sujet de la procédure du comité (en plus des examens de la Loi sur l’Office national de l’énergie, de la Loi sur les pêches, et de la Loi sur la protection de la navigation). Cette information n’a pas été communiquée de manière claire et simple ni en temps opportun. Cela a grandement contribué à cette confusion.

 

Problème procédural #2 l’incertitude concernant le financement

L’incertitude concernant le financement et le moment où celui-ci sera disponible constituent un obstacle majeur.

Les premières audiences du comité, qui ont eu lieu à Saskatoon et Edmonton, ont attiré bien peu de personnes.  Sans réponse au sujet du financement pour leur participation, les communautés autochtones n’ont pas pu y participer. Alors que le comité continue ses audiences à l’échelle nationale, cette tendance de faible participation des Autochtones risque de se maintenir vu l’absence d’information au sujet du financement de leur participation.

Bien que l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) a mis des fonds à la disposition des groupes autochtones pour leur participation au comité d’expert, l’échéancier pour soumettre les demandes de financement a été mal publicisé et manquait d’information. La date limite pour soumettre une demande fut franchie avant même que plusieurs communautés apprennent l’existence du programme de financement ou qu’elles puissent soumettre une demande de financement.

Des groupes autochtones affirment s’être fait dire que l’ACEE ne financera aucune activité tant que les ententes de financement écrites ne seront pas signées, et ce, même si la pratique de l’ACEE est d’annoncer ses décisions en matière de financement une semaine avant l’audience du comité à laquelle le demandeur de fonds autochtone est censé participer. Cela signifie que les groupes autochtones dont la région est visitée par le comité d’experts devront assumer les coûts importants associés à la participation à ces audiences sans même savoir s’ils recevront de l’aide pour s’acquitter de ces dépenses. Il s’agit là d’un risque trop grand pour plusieurs communautés autochtones qui peuvent difficilement financer autrement la participation à de celles processus.

Même si elles se voient accorder le montant minimal de financement offert, les communautés situées loin des lieux où se tiennent les audiences du comité n’ont pas les moyens d’assumer les frais de voyage pour que leurs membres y assistent.

 

Une occasion rêvée qui pourrait encore se concrétiser

Le comité d’expert constitue une occasion en or pour que le public influence les principales lois canadiennes en matière d’environnement. Tous s’entendent pour dire que les réformes de 2012 apportées aux lois environnementales étaient mal conçues. Elles ont en effet mis en péril l’efficacité du processus d’examen environnemental, causé la perte de confiance du public en ce processus et allongé les délais du processus d’examen. Le processus de réforme législatif de 2012 fut miné par la précipitation et le manque de soutien de la part du public et des Autochtones, ce qui a affaibli la légitimité de cette réforme environnementale.

Il serait dommage de répéter les erreurs du passé qui ont mené aux problèmes législatifs actuels en gaspillant l’occasion que nous avons de procéder à un examen adéquat des réformes, ce dont l’ACEE et d’autres lois canadiennes environnementales ont tant besoin.  De plus, le processus actuel expose le Canada à des poursuites de la part de groupes autochtones. Ceux-ci pourraient très bien faire valoir que, compte tenu du système actuel, le processus d’examen de l’ACEE ne satisfait pas les exigences en matière de consultation autochtone. (Le processus actuel pourrait faire l’objet du même type d’arguments que les Cris Mikisew ont fait valoir dans leur contestation juridique victorieuse contre le Canada au sujet des réformes de 2012.)

 

Comment le Canada peut-il améliorer la situation : quatre solutions rapides

  • 1. Le Canada devrait publier une feuille de route générale décrivant les étapes qui auront lieu avant que le projet de loi soit déposé, et la manière dont les Autochtones pourront participer. Énoncer clairement le déroulement présent et futur des choses contribuerait grandement à réduire la confusion et à aider les groupes autochtones à préparer leurs mémoires pour le comité et à participer aux consultations qui suivront.
  • Si le comité d’expert n’est qu’une préconsultation, le ministre se doit d’énoncer le processus de consultation réel qui aura lieu après la publication du rapport du comité afin que les groupes puissent être prêts.
  1. Les délais pour l’examen du comité d’expert doivent être allongés.
  • Cela n’implique pas davantage d’audiences, il s’agit plutôt d’étaler celles-ci dans une période de temps plus longue.
  • Le gouvernement a fort probablement une date limite à laquelle le projet de loi doit être présenté. Cet échéancier contient certainement une marge de manœuvre. Vu son cafouillage, Ottawa devrait se servir de cette marge de manœuvre pour remédier à la situation.
  1. Les premières villes visitées par le comité d’experts devront être revisitées, et les groupes autochtones de ces régions devraient recevoir du financement additionnel à cette fin
  2. Améliorer l’approche au financement
  • Les demandes de financement de groupes autochtones doivent être approuvées aussitôt que possible. Le Canada doit débloquer des fonds pour faire bouger les choses.
  • Le financement doit être revu à la hausse pour englober les frais de déplacement afin que les groupes aient la possibilité de se rendre et de participer aux audiences.
  • Une quantité de fonds raisonnable doit être accordée afin de couvrir le travail devant être effectué avant la signature des ententes de financement.
  • Les groupes autochtones devraient être informés très tôt au sujet du financement disponible et des règles entourant la consultation autochtone après l’étape du comité.

Le comité d’experts et le processus visant à se doter de nouvelles lois sont certes des mesures positives, mais on doit d’abord s’assurer que le but du processus puisse être atteint. Un examen minutieux des processus fédéraux d’évaluation environnementale pourrait constituer une chance unique d’impliquer les communautés autochtones afin d’établir un système respectueux de leurs droits, de leurs points de vue et de leur compétence.

Le comité d’experts entamera ses audiences publiques sur la côte Est au début octobre. On retrouve l’horaire complet dans la section « Événements à venir » de la page principale du comité d’experts.

OKT a préparé un guide rapide sur la procédure du comité d’experts afin d’aider les communautés et organisations autochtones à s’orienter dans ce processus.

par Matt McPherson et Michael McClurg

Related Posts