Le Canada fait face à une crise en ce qui concerne la vie et le bien-être de nombreux autochtones. Pactes de suicide, avis d’ébullition d’eau, diabète endémique, foyers surpeuplés … la liste continue. Les Autochtones sont touchés par d’importantes disparités de financement entre les services offerts dans les réserves et ceux qui le sont à la population canadienne en général. Cet écart a eu des répercussions dévastatrices sur la qualité de vie de nombreuses réserves indiennes, ce qui donne lieu à des conditions semblables à celles prévalant dans des pays du tiers-monde. Le premier ministre a appelé à renouveler une relation de nation à nation pour remédier à ces conditions.
Les implications morales et politiques de ces problèmes ont fait l’objet de plusieurs discussions. Le principe juridique de l’honneur de la Couronne oblige-t-il également la Couronne à fournir des fonds pour atténuer ces disparités? Nous croyons que c’est le cas, et nous avons rédigé un article à ce sujet intitulé « The Honour of the Crown, Dirt Roads, Boil Water Advisories and Self-Government:The Fiscal Relationship between the Crown and First Nations » (disponible uniquement en anglais).
Nous avons récemment présenté cet article à la Conférence sur le droit autochtone de l’Association du Barreau canadien à Ottawa, et nous aimerions partager une copie avec vous ici.
La Cour Suprême a déclaré que l’honneur de la Couronne découle de la revendication de la souveraineté de la Couronne sur les territoires canadiens et de la souveraineté et des droits territoriaux préexistants des peuples autochtones. Les tribunaux ont eu à déterminer ce qu’implique ce principe, et l’ont appliqué à un certain nombre de situations. Ils ont jugé que «lors de la négociation et de la mise en œuvre des traités, il existe une obligation de mener des négociations de manière honorable et d’éviter la mauvaise foi». Cependant, les peuples autochtones qui ont signé les traités dits historiques sont souvent confrontés à des positions de la Couronne qui limitent les interprétations de ces traités. La Couronne ne négocie pas la mise en œuvre de ces traités, malgré les appels clairs à un renouvellement des traités de la part de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Commission de vérité et réconciliation. Et il n’y a pas seulement la Couronne fédérale qui échoue à cet égard – les provinces, qui ont aussi richement profité des traités, doivent faire partie des négociations sur la mise en œuvre des traités.
Les traités historiques visaient à partager la richesse de la terre et de ses ressources et non à les abandonner afin d’être placés dans les réserves pour y vivre dans la pauvreté. Ainsi, les négociations sur la mise en œuvre des traités doivent viser le partage des richesses. Le partage des revenus et des impôts provenant de la richesse générée par les territoires traditionnels doivent être ouverts à la négociation. Dans les zones où existent des réserves, où les traités historiques avec clauses d’abandon de terres n’ont pas été signés et où les règlements de revendications territoriales n’ont pas encore été signés, la Couronne est tenue de fournir des fonds pour s’assurer que les personnes vivant dans les réserves ne sont pas désavantagées par rapport aux colons qui se sont enrichis grâce à cette affirmation de souveraineté.
L’honneur de la Couronne crée également un impératif de négociation honorable pour la mise en œuvre des ententes sur l’autonomie gouvernementale. Le cadre de la politique budgétaire du Canada à propos des ententes sur l’autonomie gouvernementale de 2015 établit la base de financement des Peuples autochtones qui veulent réduire les compétences de l’autonomie gouvernementale aux niveaux qu’AANC prévoit pour le financement dans les réserves. Mais ces niveaux de financement de réserve, par exemple pour le financement de l’éducation, ont été établis de manière à être beaucoup moins élevés que le financement disponible dans d’autres communautés, et sont de ce fait insuffisants. Cette position politique ne peut pas être la base d’une négociation honorable.
La Couronne peut amorcer un processus de renouvellement des traités. La relation fiscale peut changer. Il est temps d’agir.
par Nancy Kleer and Gillian Paul
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